Écrire une thèse : Comment être efficace ?
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(Modèle complet d’intro de thèse téléchargeable en fin d’article)
Écrire une thèse de doctorat, c’est multiplier les difficultés.
Le minimum qu’on puisse désirer, c’est d’affronter ces défis de la bonne manière, avec efficacité.
Les aspects techniques sont nombreux (pour les aspects psychologiques / liés à la motivation, aller voir « Finir sa thèse : Comment garder la motivation ?« )
Si vous avez commencé à rédiger vous vous êtes demandé : ça veut dire quoi rédiger une thèse efficacement ?
Cette question paraît simple, elle ne l’est pas. Il y a des aspects :
– Temporels. On écrit pas la même chose en deuxième année ou en dernière année.
– Techniques. Quoi faire et comment rédiger une thèse.
– Organisationnels. Une éthique de travail permettant de gérer son temps, ses tâches et son énergie et savoir combien de temps pour rédiger une thèse.
J’évoquerai principalement la dernière année (le moment de la rédaction), mais aussi « l’avant » et les « bases » plus brièvement pour comprendre globalement comment écrire une thèse de doctorat.
Écrire une thèse scientifique : déconstruire ce qu'est la thèse 🛠
Au fond une thèse dans la forme c’est très simple.
Ces chiffres vous donneront une estimation qui dépendra évidemment de vos besoins. Sans les prendre au pied de la lettre, il est utile d’avoir au moins une fourchette pour être efficace. Cela permet d’être en mesure d’estimer l’ampleur de ce qu’il va falloir réaliser à chaque niveau. Si des logiciels pour écrire peuvent être utiles, vous n’en aurez même pas besoin pour ces bases.
📚 Après avoir étudié plusieurs thèses, voici les tendances que j’ai identifiées (avec un espace interligne de 1.4 ; en Times New Roman, taille 12 et 2.5 cm de marge à gauche et à droite) :
Dans l’ensemble, une thèse c’est -> trois parties. 6 chapitres (2 par partie). 12 sections (2 par chapitre).
C’est flexible et peut être 2 grandes parties par exemple, mais on peut adapter à partir des proportions ci-dessous (sachant que les thèses étaient longues, soit de 600 à 800 pages).
Concernant les introductions :
👉 Les intros de parties font entre 2 et 6 pages. Avec entre 6 et 24 notes de bas de page (important car ça montre qu’il faut une densité de littérature analytique et de sources).
👉 Les intros de chapitre font entre 2 et 5 pages. Avec entre 5 et 15 NBP.
👉 Les intros de section font entre 1 et 2 pages. Avec entre 1 et 10 NBP.
Une revue de littérature en introduction (c’est très variable) peut faire :
👉 Entre 20 et 38 pages.
👉 Contenir entre 90 et 160 notes de bas de pages.
Concernant les conclusions :
👉 Les conclusions de partie font entre 3.5 et 5.5 pages. Entre 10 et 25 notes de bas de page.
👉 Les conclusions de chapitre font entre 1.5 et 3 pages. Entre 6 et 13 NBP.
👉 Les conclusions de section font entre 1 et 3 pages. Entre 5 et 13 NBP.
Concernant le temps à investir :
👉 Un chiffre qui ressort est de 2 mois en moyenne pour un chapitre.
👉 Cela fait donc 1 mois par section et 2 semaines par sous-section.
Sur des éléments complémentaires :
👉 La bibliographie fait de 21 à 34.5 pages.
👉 L’ensemble d’une thèse peut contenir entre 1400 et 3000 notes de bas de page.
👉 Chaque Partie, de l’intro à la fin de la conclusion, fait entre 47.000 mots (125 pages sur une thèse de 640 pages) et 110.000 mots (241 pages sur une thèse de 800 pages). Cela dépend donc la longueur de la thèse. Généralement, la partie la plus longue ne fait pas plus de 30.000 mots en plus que la plus courte (soit une marge de 55 pages de différence !).
👉 La conclusion générale de la thèse fait entre 7000 et 8300 mots.
Pensez aussi à la place considérable prise par les notes de bas de page. Si l’on prend une moyenne de 32 mots par note de bas de page et entre 1400 et 3000 notes, entre 44800 et 96000 mots ne seront rien d’autre que des NBP ! (soit de 50 à 100 pages remplies de petites notes).
Comment rédiger sa thèse en 1ère et 2ème années de doctorat?
Il faut toujours avoir en tête ce à quoi va ressembler votre thèse une fois terminée (c’est pour cela que j’ai d’abord tenté de « déconstruire » la thèse juste avant).
En première année, donc pendant la revue de littérature « être efficace » veut dire que vos lectures doivent être tournées vers ces objectifs :
– Former votre revue de littérature qui au final se limitera à 20 à 38 pages avec 90 à 160 notes de bas de page (ce qui arrive très vite).
– Former votre cadre théorique (pour la différence revue de littérature / cadre théorique).
– Identifier les manquements de la littérature. À force, vous prendrez l’habitude de voir les auteurs dire « une étude complémentaire permettrait de comprendre… », etc. Et quelque soit l’étude, elle n’a jamais été faite dans tous les pays, sur toutes les périodes possibles, de manière quali ET quanti, etc. Si vous pouvez : 1/prendre une étude existante mais; 2/ la faire dans un autre pays, sur une autre période, etc… ce sont vos opportunités de problématique à étudier, de « trou » dans la littérature à combler.
En deuxième année, généralement la collecte de données, « être efficace » dans la rédaction de sa thèse veut dire :
– Exposer et structurer ses données au fur et à mesure. Ça n’a ni besoin d’être brillant ou inspirant à ce stade, juste structuré.
– Passer ses lectures en revue pour tenter de « qualifier » nos données. S’il y a une augmentation ou une baisse d’un phénomène -> que dit la littérature. S’il y a un changement -> que dit la littérature et comment qualifie-t-elle les différents changements ? Sans doute plus quelque chose comme « changement incrémental sous l’effet de groupes d’intérêts » que « ça augmente lentement ». C’est ça « qualifier » nos données.
– Former vos introductions de partie. Pour 3 parties, ça sera donc à peine 18 pages maximum et 75 notes de bas de page à condenser.
Cela paraît simple. Mais c’est cela qui simplifiera le travail de dernière année 💪 :
– Les données seront pour l’essentiel présentées clairement (même si vous ne savez pas encore très bien comment les analyser en détail).
– Vous aurez déjà pris l’habitude de tenter d’analyser votre travail à l’aide de la littérature. Que vous ayez 1400 ou 3000 notes de bas de page à la fin des fins, une moyenne aussi minime qu’en écrire 2 par jour pendant un an vous fait démarrer avec 730 NBP.
Par la suite pour rédiger une thèse de doctorat, chaque partie, chapitre et section n’est rien de plus que :
– Une introduction qui présente ce que vous souhaitez démontrer, l’enjeu soulevé et les problèmes à traiter. Cela se fait à l’aide de littérature qui montre les littératures dans lesquelles vous vous inscrivez et que vous allez tenter de compléter. Pour les compléter, vous dites la question ou sous-question de recherche abordée dans cette partie ou ce chapitre.
– Un développement qui va très simplement exposer toutes les données collectées (description, tableau, graphique, etc). Puis les analyser.
– Une conclusion / discussion qui va résumer la manière dont votre analyse a bien permis de démontrer (dans le développement) ce que vous souhaitiez démontrer (annoncé en introduction). Puis vous en faites la discussion, c’est-à-dire montrer les implications / applications ce que vous avancez vis-à-vis de la littérature existante.
C’est simplifié, mais l’idée c’est cela.
Rédaction de thèse : Comment mesurer ses avancées en dernière année ?
De manière très pragmatique, être efficace dans sa rédaction peut se mesurer objectivement de deux manières : en termes d’heures dédiées; en termes de mots écrits.
Concernant le nombre d’heures dédiées, il est très difficile d’avoir plus de 15 à 20 heures réellement créatives par semaine. Soit 3 à 4 heures intenses chaque matin de semaine. Après, le cerveau est en surchauffe. Le reste du temps peut être dédié à des éléments comme les notes de bas de page, gérer ses emails, etc.
Concernant le nombre de mots écrits, il y a deux choses à dire et un risque à éviter.
La moyenne va de 500 à 800 mots par jour. C’est très important de noter « en moyenne » (sur plusieurs semaines voire mois). Parce que des périodes d’activités intenses à 1500 / 2000 mots par jours vont s’enchaîner avec des périodes de 200 mots voire -200 mots par jour (lorsqu’on doit supprimer certaines parties). Le meilleur moyen de tenir les deux bouts: avoir une moyenne de plus long terme, en notant le nombre de mots à un instant T, puis le nombre de mots plus tard, divisé par le nombre de jours travaillés.
MAIS il faut comprendre que cette logique ne fonctionne qu’un temps. À un moment de votre thèse, vous aurez atteint une « masse critique ». Votre thèse a atteint son volume final, à + ou – 50 pages près. Vous n’ajouterez plus de contenu.
La phase de création est terminée, vous entrez dans une phase d’affinement.
Écrire sa thèse en dernière année : gérez la "phase d'affinement"
Dans les derniers mois, pour l’essentiel pour « n’ajouterez » pas -> vous renforcerez la précision, la clarté et la force de vos démonstrations.
À ce stade, vous demander « est-ce que c’est convaincant » ne suffira plus.
Dans l’article la meilleure vidéo faite sur la thèse, il est dit que pour chaque partie, chapitre et section vous devez pouvoir dire par exemple : 1/ “l’objet de ce chapitre est de démontrer que…” (ce que je soutiens) ; 2/ “l’enjeu de cette démonstration est…” (pourquoi je le soutiens); et 3/ “le problème qui se pose est…” (quel problème va t-on examiner).
Au stade final d’écriture, ce n’est plus suffisant, les questions doivent être plus fines avec des sous-questions.
1/ “l’objet de ce chapitre est de démontrer que…” (ce que je soutiens) ;
– Fondamentalement, qu’est-ce que je cherche à démontrer, à expliquer, quelle est ma « variable dépendante » ?
– Quels sont les facteurs explicatifs que j’utilise ?
J’ai collecté des données mais :
-> est-ce que je les ai présentées objectivement ? (pour dire « voilà ce qu’il se passe sur mon terrain).
-> est-ce que j’ai analysé ce qu’il se passe ?
2/ “l’enjeu de cette démonstration est…” (pourquoi je le soutiens).
– Si ma démonstration complète la littérature, est-ce que je suis en mesure de citer les auteurs et littératures dans lesquels je m’inscris dans cette section.
– Est-ce que je l’ai explicité en introduction par exemple (souvent en l’écrivant on se rend compte que c’est moins clair que dans la tête, donc il faut l’écrire pour s’en assurer).
3/ “le problème qui se pose est…” (quel problème va t-on examiner).
– Êtes-vous en mesure de dire « le sous-problème que je traite dans cette section est … Il est nécessaire pour résoudre le problème plus large posé dans le chapitre qui est …, ou nécessaire pour résoudre le problème plus large de la partie qui est … » ?
– Êtes-vous dans du descriptif de vos données ? Ou avez-vous réellement soulevé un problème / une énigme / contradiction ?
Conclusion : posez vos pierres
La thèse est un travail généralement très peu cadré. Or pour être efficace, au-delà des éléments de motivation et des heures de travail, il faut savoir à quoi s’attendre et les trajectoires globales à emprunter.
En suivant ces quelques étapes, vous devriez – j’espère – être en mesure d’améliorer l’efficacité de votre rédaction !
Un dernier mot : n’oubliez pas qu’écrire une thèse est un travail de longue haleine. Construire une route pavée suppose de poser une pierre, puis l’autre, puis l’autre et parfois on se demande si on avance vraiment.
Mais l’efficacité, ce n’est pas de tout le temps voir des progrès clairs.
C’est poser une pierre après l’autre, en sachant que ce processus est le bon, et que dans quelques mois notre route sera complète.
Et pour poser la première, voilà un modèle détaillé d’introduction de thèse 👇
Modèle d'intro de thèse - Complet et détaillé
Le premier modèle d'introduction de thèse aussi complet et détaillé.
Les principales sections (connues) et les sous-sections (souvent mystérieuses)
Des commentaires tout du long pour expliquer et accompagner.
Merci Nicolas, je suis en 1iere année de thèse en sciences de gestion et je travaille sur l’entrepreneuriat féminin et ses réseaux d’entraide en Afrique. Mais je dois dire que j’ai très très souvent envie d’abandonner. Je vais continuer à vous lire
Merci Fatima de partager vos difficultés, ce n’est jamais facile de le dire. 😕 C’est aussi très courant de vouloir abandonner malheureusement. Tout ce que je peux recommander à mon niveau ce sont mes ressources pour cadrer le travail, un article pour garder la motivation et tous les articles techniques qui permettent de savoir quoi faire.
Courage et force à vous et si quelqu’un lit ce commentaire et ressent la même chose, courage également ! 💪